Au bord du Nil, le passé n'est pas lettre morte mais éternel présent. Dans la mince vallée entre déserts libyque et arabique, se déroule l'Égypte immobile avec ses ruines prestigieuse, bordées de champs de coton de d'eucalyptus. Au bord du Nil, on n'est jamais seul, la vie s'éveille dès le lever du jour. Des femmes en mélayas noires, amphore sur la tête, descendent la pente raide pour puiser l'eau du fleuve... Elles étaient déjà là, de profil, sur un haut-relief du temple d'Edfou. En haut, les hommes chargent les cruches sur l'âne, "l'un des plus admirables animaux de la création", selon Champollion. Des bouquets de palmiers frais cachent le village, quelques maisons à deux étages aux murs de limon ou de briques crues. Sur leurs toits, sèchent des galettes de bouse de gamousses.
Pour le fellah, son village au bord du Nil est une vraie patrie, l'Égypte ne passe qu'en second.
"Souviens-toi du temps où nos felouques voguaient en paix sur le fleuve: le coeur des hommes était heureux", a écrit un sage. Maintenent encore, c'est le temps retrouvé.